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Question
: quelle est la différence entre transcendance et réfutation ?
Faut-il
déjà que ces deux termes s'appliquent à quelque chose de commun,
pour parler de différence. On parle de différence de couleur de
peau quand on parle d'une peau qui est blanche ou d'une autre de
couleur.
Quel est l'élément commun qui existe entre la réfutation
et la transcendance ? Si ce n'est, je pense, dans ta tête, qu'il te
faut passer de l'un à l'autre. La réfutation est une gymnastique
qui vise à faire dérailler le mental, à le sidérer, en quelque
sorte, à le noyer dans ses propres certitudes, dans ses propres
croyances pour lui démontrer et lui montrer qu'elles n'ont aucun
sens. La transcendance évoque, le plus souvent, un passage d'un état
à un autre, d'un moment à un autre, passage d'un état ou d'un
moment qui évoque, en quelque sorte, une transformation, une
possibilité de pont de l'un à l'autre. La réfutation est tout sauf
un pont parce que la réfutation est une action inscrite au sein de
l'illusion, brisant l'illusion. La transcendance est posée comme
condition qu'il y a un état qui doit donner un autre état. La
réfutation ne permet pas de passer d'un état à un autre état. La
réfutation va supprimer tous les états. Ayant fait disparaître
tous les états, ce qui a toujours été là peut enfin apparaître à
celui qui, si l'on peut dire, regarde. Et celui qui regarde va, en
définitive, devenir cet Absolu. La transcendance est une dynamique :
il y a un mouvement, apparent, supposé ou réel. La réfutation vise
à détruire tout mouvement, sans effort, simplement en jouant le
jeu, en quelque sorte, du mental illusoire et le jeu de la
personnalité. La transcendance, c'est déjà envisager qu'il y a un
passage et déjà, le plus souvent, ce passage est celui du Je, de la
personnalité, au Soi. Mais il n'y a aucune transcendance entre le
Soi et le non-Soi. Ce n'est pas possible. On ne passe pas d'un état
à l'autre. Il n'y a pas de pont. Simplement, quand le non-Soi est
établi, à ce moment-là vous pouvez repasser dans le Soi et dans le
Je. Et cela devient, pour vous qui êtes dans la forme, un jeu, mais
c'est valable dans ce sens. On peut dire que le pont existe dans ce
sens et que réellement, là, oui, il y a transcendance : du non-Soi
vers le Soi. Éventuellement, du Soi vers le Je. Il y a transcendance
du Je vers le Soi, mais il ne peut y avoir transcendance du Soi au
non-Soi. Il n'y a pas de pont. Le pont ne se construit que dans
l'autre sens. C'est un pont à sens unique, mais qui permet le double
sens, après.
La
transcendance ne peut donc concerner l'Absolu. La transcendance ne
concerne que le passage du Je au Soi. Le problème du Soi, soit-il le
plus vaste, est toujours un enfermement.
Avant d'être le Soi, avant
que ce corps n'existe, avant que ce sac de nourriture apparaisse,
est-ce que le Soi était là ? Est-ce qu'il y avait une conscience
pour l'observer ? L'Absolu est tout sauf la conscience, tout sauf le
Soi, tout sauf le Je, parce que le Soi comme le Je sont éphémères.
Il ne peut exister de transcendance, dans ce sens-là. La
transcendance est utile pour celui qui veut passer du Je au Soi. Mais
cette transcendance ne peut être mise en avant, en aucune manière,
dans le passage du Soi au non-Soi, puisqu'il n'y a pas de passage.
Cela rejoint la problématique de la question et de la réponse. Tant
que vous cherchez un passage (qui n'existe pas), tant que vous
envisagez une transcendance, il y a (sous-entendu, en vous) le besoin
de persistance au sein d'une identité, qu'elle soit limitée comme
le Je, ou vaste comme le Soi. Mais vous n'êtes pas une identité,
encore moins une histoire, quelle que soit l'histoire, parce que
l'histoire se déroule dans l'illusion. Vous êtes bien au-delà de
toute histoire ou de toute transcendance. Vous ne pouvez y arriver en
adoptant de tels points de vue. Parce que vous ne savez pas, vous
n'avez aucune conscience de ce qui était avant ce sac de nourriture,
et même si vous connaissez d'autres sacs de nourriture qui étaient
supposément vous, avant, dans d'autres vies, où étiez-vous entre
les deux sacs de nourriture ? Que faisiez-vous ? Si vous avez la
réponse à cela, alors la réponse est vraie. Mais tout ce que vous
supposez avant est faux.
La
réfutation est d'accepter de se servir de l'outil qui croit toujours
avoir raison pour lui montrer qu'il n'est pas la raison, qu'il n'y a
aucune logique dans la raison, que cette logique ne peut que servir
dans l'illusion pour maintenir l'illusion, pour entretenir
l'illusion, pour nourrir l'ego ou nourrir le Soi. Mais l'Absolu ne
peut être nourri par cela. Je dirais qu'il l'étouffe un peu plus,
qu'il le noie un peu plus. Rappelez-vous : le Je, le Soi, feront tout
ce qui est en leur pouvoir pour que jamais vous ne soyez immobiles,
pour que jamais l'Absolu soit vécu. Il n'y a que la réfutation. Il
n'y a aucune méditation, aucune spiritualité, aucune Vibration, qui
peut vous conduire au non-Être. Certes, cette transcendance du Je au
Soi, dans les premiers temps, est utile (voire même indispensable
parce qu'elle va rassurer le Je, le Soi), démontre que le Je est
illusoire.
Mais qui va démontrer que le Soi est illusoire ?
Personne, parce que le Je n'est plus là quand le Soi est là. Il
vous faut donc non pas transcender mais faire taire tout ce qui est
le Soi. Mais ce faire taire ne peut se réaliser de là où vous
envisagez d'être. Aucunement. Cette transcendance, ainsi nommée,
n'est en fait que la réfutation qui permet de saper les fondements
du Je et du Soi, créant (et le terme est exact) un court-circuit.
Qu'est-ce que c'est qu'un court-circuit ? C'est justement ce qui ne
va pas emprunter le circuit naturel et qui fait donc disjoncter ce
qui ne sert à rien.
La
réfutation est se servir (en quelque sorte, dans l'exemple que j'ai
pris) du courant existant, de cette vitalité éphémère soutenue
par le corps de nourriture (quels que soient les noms savants que
vous employez : chakra, Kundalini, Êtreté), pour le faire
disjoncter. À ce moment-là, la réfutation va vous faire déboucher
sur ce qui est réel parce que comprenez que le réel ne peut pas
changer, parce que s'il change, il n'est pas le réel. Le réel est
immobile. Il n'a que faire du monde, il n'a que faire de vous, de
votre histoire, de toute histoire. Et vous êtes cela. Rien d'autre.
Et donc si tu poses calmement cette réfutation, tu comprendras qu'il
n'y a rien à chercher ni à trouver parce que tout a toujours été
là.
Mais
il faut cesser tous les Je, tous les Soi, toutes les parodies de
spiritualité. Même la Joie, qui a tant été utile dans votre
chemin, doit être transcendée mais ne peut être transcendée.
C'est, en fait, le rire de l'Absolu qui fait le passage, mais pas
dans l'autre sens. Dans ce sens là et seulement dans celui-là.
Alors, si tu ris de toi, si tu ris de ton Soi, si tu te ris de tout,
d'abord cela va t'angoisser, parce que la spiritualité, c'est
sérieux, n'est-ce pas ? On parle d'éternité, on parle de
permanence, d'immanence, de transcendance. Mais il faut rire de tout
cela. Parce que cela change, et tant que quelque chose change, ce
n'est pas réel. Et toi-même tu changes tous les matins, donc ce
n'est pas réel. C'est l'ego qui va te faire croire ça, qui va
apporter une substance à ce qui est irréel. Le réel ne peut
changer. Il est Absolu. Tout ce que tu manifestes change : ton
humeur, ton physique, celui qui observe.
Si
je peux m'exprimer ainsi, va vers le vide, va vers ce que ton ego
appelle le néant. Et tu trouveras ce qui est plein, ce qui ne bouge
pas, ce qui ne change pas. Cela a toujours été là et tu Es cela.
Tu découvriras alors que tu n'as pas à te gargariser d'Amour ou de
Lumière parce que c'est très exactement ce que tu Es, et tu N'es
rien d'autre. Si tu envisages la Lumière et l'Amour comme extérieurs
à toi, comme une quête, comme une recherche, tu ne pourras jamais
les trouver. Tu ne pourras que les voir, parce que tu t'es distancié
et séparé de ce que tu Es, dans le réel. Tu as juste à Être
cela, dans le non-Être, dans le non-Soi. Tu veux être heureux ? Il
n'y a pas d'autre chose pour être heureux. Tout le reste ne fait que
passer. Même la Joie. Même la Kundalini. Même les chakras. Que
deviennent tes chakras quand tu meurs ? Que devient ta Kundalini
quand tu meurs ? Peux-tu emporter ta Kundalini de l'autre côté ?
Qu'est-ce que tu emportes ? Vas-tu emporter tes souvenirs ? Vas-tu
emporter ton histoire ? Tout cela change. Ce n'est pas réel. Et tu
Es réel.
Réfute
et tu verras ce qui se passe et qui a toujours été là. Transcende
si tu veux, mais surtout réfute. Transcender ne suffit pas. Réfuter
suffit, totalement. Reste tranquille. Apprends à rester tranquille.
Ce que vous nommez la spiritualité vous fatigue plus qu'autre chose.
Remerciez, même, de ne pas comprendre. Remerciez, même pour ceux
qui n'ont pas vécu le Soi, parce que le champ est libre pour le réel
et pour le non-Soi. On n'accède pas au non-Soi à partir du Soi,
même si c'est une étape qui semble réelle. Le non-Soi n'a que
faire du Soi et encore moins du Je. La Source sort de l'Absolu.
L'Absolu contient la Source. La Source ne contient pas l'Absolu, même
si l'Absolu est présent dans la Source. Il ne peut en être
autrement. De même que ton Je est rendu possible par l'Absolu. Et il
ne le sait pas. Si tu réfutes ainsi, de cette manière, tes progrès
(si tant est que l'on puisse parler de progrès) seront foudroyants.
Mais rappelle-toi que l'ego va tout faire pour te dire que c'est
stupide, alors que c'est lui qui est stupide. N'attache aucune
importance à ce qui passe. Et toi d'ailleurs tu ne fais que passer.
Rends-toi compte de cette absurdité. Ce que tu Es est Absolu.
L'erreur est de croire que ce corps, cette histoire, ce chemin, sont
l'Absolu. L'Absolu permet cela. S'il n'y avait pas d'Absolu, il n'y
aurait pas de Je, pas d'histoire, rien. Or il n'y a pas rien. Tout au
plus la perception du néant, de l'angoisse, mais même cette
angoisse est sous-tendue par l'Absolu. Sans Absolu, pas d'angoisse.
Mais tout cela est à réfuter. Parce que si je te demande de
transcender une angoisse, comment vas-tu faire ?
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Question
: La compassion du cœur (par opposition à la compassion de la tête
et la volonté de Bien) peut-elle tendre à l'Abandon ?
Jamais.
C'est impossible. Parce que la compassion dépend toujours de la
personnalité ou du Soi. La compassion est exercée envers quelque
chose qui est considéré comme extérieur. L'objet de la compassion
est une projection. La compassion conduit au Soi, mais jamais au
non-Soi. Parce que la compassion, action du Cœur ou de la tête, ne
change rien. De la même façon que manifester l'Amour, donner de
l'Amour, n'est pas Être l'Amour. Vous ne projetez que ce qui manque.
L'Absolu ne manque de rien. Et donc, vous Êtes Absolu. Manifester ou
exercer une compassion de Cœur vous place, de manière permanente,
dans l'illusion, parce que vous entretenez quelque chose d'extérieur
: il y a vous, il y a l'autre. Et vous manifestez une compassion,
envers une situation, envers un être. C'est justifié tant que vous
êtes tributaire de la Dualité, de l'Action / Réaction. La volonté
de Bien, comme la compassion, ne sont que des pis-aller de la
Dualité, vous faisant croire que vous êtes dans un juste chemin,
mais maintient, en permanence, la distance entre vous et l'autre. Il
n'y a pas de vous. Il n'y a pas plus d'autre. C'est une illusion.
Comment est-ce que quelque chose qui est manifesté au sein de
l'illusion pourrait conduire à un quelconque Abandon ? Qui vous l'a
dit ? Qui en a rendu témoignage ? Vous Êtes l'Amour. Vous Êtes la
compassion. Mais si vous exercez une compassion, vous mettez une
distance : vous n'êtes plus au Centre, vous n'êtes pas Absolu. Bien
sûr qu'il est préférable d'exercer la compassion que de tuer. Mais
dans ce préférable, il y a toujours une situation au sein de
l'illusion. Une illusion plus agréable, mais toujours une illusion.
Aucune illusion ne peut vous faire accéder au Vrai, au Réel. Tant
que vous agissez dans l'illusion (et je dirais, même, surtout si
vous êtes persuadé d'agir pour le Bien, même sans volonté de
Bien), si vous êtes persuadé que vous êtes un être compatissant,
aimant, charitable, vous ne bougerez pas d'un iota de l'illusion et
vous serez très loin de l'Absolu.
Le
non-Être n'a que faire l'Être, quel que soit l'Être, quoi que
manifeste l'Être. Un Être qui est passé sur Terre vous a dit : «
vous n'êtes pas de ce monde». Donc, ce que vous exercez, au sein de
ce monde, en y mettant votre Conscience, vous maintient dans le
monde. Même cela est à réfuter. Le monde n'a pas plus de
légitimité que toi, que ton histoire, qu'une quelconque compassion.
La compassion est une manifestation altérée de ce que tu Es, qui te
fait considérer l'autre comme sujet à compassion. Laisse tomber
tout cela. Tu n'as pas besoin de cela. Il n'existe pas de solution de
continuité. Croire ou faire croire que, parce que tu es
compatissant, tu vas sortir de ce monde, est faux. Ou alors il
faudrait que l'ensemble de ta vie ne soit que compassion et que tu
sois en compassion devant la fourmi, comme devant l'éléphant, comme
devant l'ennemi. Parce que tu montrerais, à ce moment-là, que ta
compassion n'est pas dépendante des circonstances ou de l'objet de
la compassion. Cela n'est jamais le cas, bien sûr. Rappelle-toi ce
que j'ai répondu juste avant : il n'y a pas de pont, il n'y a pas de
continuité, dans ce sens-là. Mais si tu es Absolu, bien sûr que tu
pourras compatir. Mais tu n'interfèreras plus dans le monde, dans ce
qui croit encore être un autre, séparé, divisé. Comment veux-tu
voir l'engrenage tant que tu as un doigt dans l'engrenage, tant que
tu en es un rouage, même ? La compassion est louable, mais louable
au sens de la morale. Au sens spirituel, ce n'est pas Absolu. Il te
faut dépasser cela, en le réfutant, là aussi. Je ne te demande pas
d'être méchant, non plus. Je te demande simplement de voir que tu
n'es ni l'un, ni l'autre. C'est le propre de l'ego de croire qu'il va
persister. C'est le propre de l'éphémère de te faire croire qu'il
est éternel. C'est le propre du faux de te faire croire qu'il est
vrai. Il n'existe aucune satisfaction t'ouvrant les portes du Ciel,
parce qu'il n'y a pas de Ciel. Il n'y a pas plus d'Enfer. Il y a
juste une projection, en dehors de l'Absolu, qui se croit autonome et
qui croit qu'il est possible de maintenir l'éphémère tout en
retournant à l'Absolu. Il n'y a pas de continuité. Tu Es l'Amour.
Exprimer
la compassion est une projection de l'Amour. Encore une fois, il est
plus agréable de vivre et ressentir la compassion qu'autre chose.
Mais même ressentir cela ne te conduira jamais à l'Absolu. Il est
plus agréable d'avoir à faire à une personnalité compatissante
qu'à une personnalité paranoïaque. Mais c'est toujours une
personnalité. C'est toujours de l'éphémère qui accompagne un sac
de nourriture. Contrairement à ce qu'on peut imaginer, ce n'est pas
parce que ton sac de nourriture voit une compassion à exprimer en
face d'un autre sac de nourriture, en affirmant que tu vois au-delà
du sac de nourriture, que tu vas réellement croire que cela peut
être vrai. C'est une illusion. L'autre n'a pas plus de substance que
toi. C'est la personnalité qui veut se transformer qui parle de
compassion. C'est le Soi qui va parler de compassion et
d'identification aux modèles spirituels : le Christ, Bouddha,
Krishna, j'en passe et des meilleurs. Mais peux-tu me dire où sont
ces prophètes aujourd'hui ? Peux-tu me dire où je suis, sans venir
à moi ? Non. Tu ne peux que projeter un idéal, une conduite. Mais
tu n'es pas l'idéal. Tu n'es pas la conduite. Oublie tout ça.
Réfute tout ça. Tu Es Absolu. Si tu étais capable, à chaque
souffle, de te remplir de ce Réel, tu deviendrais ce que tu Es,
extrêmement rapidement. Au lieu de cela, tu parcours, de vie en vie,
de sac de nourriture en sac de nourriture, en courant après quelque
chose que tu ne peux jamais rattraper. C'est comme l'âne devant qui
on a mis une carotte au bout d'un bâton. Est-ce que tu comprends
l'image ? Il n'y a pas d'âne. Il n'y a pas de carotte. C'est une
projection. Ça n'a pas d'existence, pas de substance. C'est inscrit
dans un temps qui est limité par la naissance et par la mort.
Qu'est-ce que tu vas faire de ta compassion de l'autre côté ? Un
passeport ? Il ne sera pas reconnu.
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